L’Adversaire, Un roman russe et le documentaire Retour à Kotelnitch ont révélé en Emmanuel Carrère l’un des analystes les plus subtils de l’âme de notre temps. Louvoyant entre fictions, essais, exégèse biblique, confessions impudiques, (auto-)biographies romanesques et chroniques judiciaires, son œuvre littéraire et cinématographique balaie un large panorama qui, toujours filtré par le je de l’auteur, offre du réel et de ses déviances une interprétation à la fois personnelle et universelle.
Les lecteurs qui reconnaissent en lui une voix majeure savent peut-être moins qu’en 1984, l’auteur de La Moustache a publié une réécriture de Frankenstein dans laquelle, tout en rendant hommage au chef-d’œuvre de Mary Shelley ainsi qu’à sa descendance cinématographique, il est parvenu à réconcilier romantisme, paralittératures, jeux oulipiens et expérimentations formelles héritées des avant-gardes du XX e siècle, pour élaborer un art poétique qui guide toujours, quarante ans plus tard, son écriture.
C’est ce morceau de Bravoure méconnu que nous relisons ici, en rééditant en annexe la nouvelle parue en 1979 qui en fut la mouture originale — et la première fiction publiée de Carrère.
Agrégé de Lettres modernes, docteur en littérature française et littérature comparée (il est l’auteur de thèses sur William S. Burroughs et Emmanuel Carrère), Serge Féray a publié un roman de science-fiction expérimentale, Apocalypse (Cahiers de Nuit, 2000), et plusieurs recueils de poèmes. Il a consacré deux essais à la chanteuse du Velvet Underground, Nico In Camera (CdN, 1998) et Nico Femme fatale (2015, Le Mot et le Reste).