Évoquer le parcours personnel, politique et littéraire de Conrad Detrez revient à exhumer des pans entiers de passions collectives et de débats de société qui ont marqué le XXe siècle, et dans lesquels plusieurs générations se sont, au sens très précis du terme, « engagées ». En effet, la vie de l’éternel jeune Belge, bien que fugace et prématurément interrompue, donne à voir le foisonnement des convictions, des certitudes et des engagements, souvent contradictoires, qui ont nourri toutes formes de militance, voire de martyre. Mais, par ailleurs, et un peu à son insu, comme Detrez devait l’avouer dans Les Noms de la tribu, face à un monde en mutation, son écriture et sa pensée pointent déjà les soucis nouveaux et les lignes de force majeures de l’interprétation du fait littéraire tels qu’ils ont fini par s’imposer à la critique aujourd’hui, et qui ont pour noms études postcoloniales, ethnicité, sexualité / genre, études culturelles et études régionales (Area Studies). En effet, la poétique detrézienne prend assez tôt acte du tournant du discours (idée) vers la culture (réel), raison pour laquelle elle s’avère toujours si stimulante et captivante, et continue d’interpeller la recherche en littérature dans ses différentes tendances, perspectives et thématiques.
José Domingues de Almeida est Maître de Conférences à la Faculté des Lettres de l’Université de Porto. Il est docteur en littérature française contemporaine. Ses recherches portent actuellement sur les questions théoriques et critiques soulevées par les littératures post-migratoires, les récits post-mémoriels et les représentations de l’Europe. Il dirige la revue électronique Intercâmbio.