Dominique Lanni. – Qu’est-ce qui a été à l’origine de CRACHE ! Peux-tu nous raconter sa genèse en quelques mots ?
Valérie Paüs. – Je crois que la première chose c’est mon désir d’écrire, car Crache! est un premier texte. Jusque là, ayant un passé d’universitaire en lettres, je ne m’étais pas autorisée à écrire et j’ai eu envie d’envoyer bouler cet empêchement. Ensuite, la naissance de ma fille a probablement joué un rôle dans le fait de revenir sur mes origines… Et enfin, vivant dans l’hexagone depuis 2006, j’ai réalisé qu’à chaque fois que je recroisais des réunionais.es et qu’il ou elle me parlait en créole je ne savais pas trop comment répondre, en créole ou en français, et que je me sentais finalement mal à l’aise en le faisant en créole, comme si ce n’était pas tout à fait moi, comme si je n’étais pas légitime à le faire. Et en questionnant ce malaise je me suis rendue compte qu’il était là depuis bien longtemps, bien avant mon départ de la Réunion. Et cet empêchement là j’ai voulu l’envoyer bouler lui aussi, par l’écriture, par sa mise en jeu au plateau…
Dominique Lanni. – Quelle est ta préoccupation majeure dans ton travail d’écriture ?
Valérie Paüs. – Mon expérience de l’écriture n’est pas encore très longue mais je crois qu’une des choses qui comptent pour moi c’est la langue, son oralité. J’ai besoin de prononcer les phrases quand j’écris. J’essaie d’être attentive aux sonorités, au rythme.
Dominique Lanni. – Comment ta pièce a-t-elle été accueillie par les spectateurs quand tu l’as présentée en Avignon ?
Valérie Paüs. – J’ai eu un très bel accueil des spectateurs pendant le festival. Le spectacle renvoie chacun à son propre rapport à sa ou ses langues, à des questions d’identité et aussi plus largement aux injonctions avec lesquelles on se construit. Beaucoup de personnes sont venues me voir après le spectacle pour me raconter leur propre histoire à travers le prisme de la langue. Pour moi ce sont les plus beaux retours. Deux spectateurs ont même pris le temps de m’envoyer un mail, pour me dire leur bouleversement, les questions profondément enfouies que le spectacle avait réveillées chez eux.