Dominique Lanni – Qu’est-ce qui a été à l’origine de Kilimandjaro ?
François Devenne – Le Kilimandjaro est non seulement le cadre de mon roman mais aussi l’un de ses protagonistes tant il représente une entité spirituelle et vivante pour le personnage principal. Le souvenir que j’en ai conservé pour y avoir longtemps séjourné m’a accompagné tout au long de l’écriture du roman. Quel plus bel hommage que de lui offrir le titre du livre ?
D.L. – Combien de temps t’a demandé sa composition ?
F.D. – Il m’a fallu deux ans pour achever, il y a une dizaine d’années, la première version qui a été refusée par mon éditeur. Un second refus sur une nouvelle version a marqué la fin de ma collaboration avec cet éditeur. J’ai alors contacté d’autres maisons tout en recomposant mon texte en suivant les conseils d’amis. Cinq versions m’ont été nécessaires avant de trouver la bonne formule.
D.L. – Quelle est ta préoccupation majeure dans ton travail d’écriture ?
F.D. – Sur le fond, je commence à écrire à partir d’une idée générale suffisamment dense pour faire l’objet d’un roman mais sans savoir comment le récit va évoluer ni sur quoi il se terminera. Ma préoccupation est alors de me laisser guider jour après jour par mon écriture, de laisser les pages noircies m’annoncer la suite. Sur la forme je ne cherche pas à faire du style mais je laisse le style me trouver, quitte à retravailler en suivant un principe : la force dans la simplicité.
D.L. – Comment t’est venue l’idée d’écrire ton roman ?
F.D. – Par une vache cévenole. Eh oui, une vache cévenole est bel et bien à l’origine de mon roman sur le Kilimandjaro, ce qui nécessite une explication : je me suis installé au Kenya avec ma famille en 2004 avec l’espoir de devenir écrivain en résidant à la campagne. Cinq ans plus tard, en raison de moult difficultés, il nous a fallu venir vivre en France et nous nous sommes installés en Cévennes. L’un des emplois que j’ai trouvés était agent de cuisine dans un centre éducatif situé à 12 km de mon village. Je m’y rendais à vélo. De retour un soir, aux alentours de minuit, je pédalais bravement pour franchir un col lorsqu’un groupe de sangliers m’a coupé la route. Puis ce fut trois vaches qui prenaient le frais au milieu de la chaussée. Je me suis alors arrêté (en Cévennes les vaches ont priorité) et je me suis demandé ce que je foutais là. Docteur en géographie, diplômé d’un DESS d’économie (ainsi que d’un diplôme d’ingénieur de la fonction publique territoriale), j’aurais pu m’attendre à un autre destin. A l’époque, ayant achevé mon second roman, j’envisageais d’écrire une fiction sur le Kilimandjaro afin d’utiliser les connaissances acquises lors des longs séjours effectués de 1994 à 1999 pour ma thèse de géographie. J’avais écrit mon premier roman, Trois rêves au mont Mérou, en retournant vivre chez un paysan du Kilimandjaro en 2001. Cette fiction portait sur un volcan voisin, le mont Meru. Je n’avais pas osé situer mon intrigue au Kilimandjaro, un symbole trop fort pour le débutant que j’étais. Mais face à la vache cévenole qui me barrait le passage, l’idée m’est venue de raconter l’histoire d’un homme qui veut gravir le sommet du Kilimandjaro à une époque, le 19ème siècle, où cela paraissait impossible. Certains veulent gravir un volcan, d’autres écrire un roman.