Dominique Lanni – Qu’est-ce qui a été à l’origine du titre de ton livre, Faits divers criminels : un écosystème entre fictions et réel ?
Fanny Mahy – Avec le fait divers et le prisme de l’écosystème, j’ai eu l’impression d’avoir concilié des inconciliables. J’ai fini par saisir, entre imaginaire et réel, que je reliais le côté fait divers à ma mère (part de mystère), et le côté de l’écosystème à mon père (paysagiste de profession).
D.L. – Combien de temps t’a demandé sa composition ?
F.M. – Entre plages de dormance et phases d’élaboration, il est difficile d’estimer le temps de la composition. Où commence le temps de la composition ? Lors de mes premières rencontres académiques avec le fait divers, en 2010 ? Mais les deux années d’écriture autour des Liaisons dangereuses (master – 2006-2008) n’étaient-elles pas déjà une amorce et une préparation ? Entre la vie et l’écriture, les recommencements et les ruptures, là encore, il me semble que tout se situe confusément dans l’inconscient.
D.L. – Quelle a été ta préoccupation majeure dans ton travail d’écriture ?
F.M. – Ces préoccupations ont évolué au fil du temps et des réécritures. Lors de ma thèse de doctorat, j’essayais sûrement d’écrire en tentant de me conformer aux attentes universitaires. Mais déjà, le jury avait signalé une écriture parfois trop personnelle, ce qui était perçu à la fois comme plaisant et dérangeant. Cinq ans plus tard, la réécriture postdoctorale solitaire, détachée de tout cadre social, a accentué ce côté personnel tout en voulant préserver le côté universitaire. Mais ce côté universitaire a de toute façon jugé l’ouvrage non conforme à ses attentes en soulignant que le travail d’écriture témoignait plutôt d’un « essai d’écrivain-journaliste ». Deux ans plus tard, j’ai procédé à une troisième réécriture sous forme d’élagage. L’objectif était de passer de quelque-chose que je jugeais trop verbeux, confus, chargé, à un texte allant, autant que liberté se peut, vers plus de clarté et de compendieux.
D.L. – Et sur un plan personnel lié à la matière elle-même, quelles résonances y a-t-il entre toi et les faits divers que tu explores dans ton essai ?
F.M. – J’aurais envie d’en évoquer deux. La première apparaît clairement à la lecture de l’essai ; « l’endroit du chien » existe aussi bien chez Jean-Claude Romand que chez moi. La seconde se rattache à l’idée de la « personnalité potentielle » explorée par Pierre Bayard. À la place de Michelle Martin, aurais-je été résistante ou bourreau ? Si l’accident de voiture ayant prématurément emporté son père avait emporté le mien ? Se peut-il, dans ces circonstances, et par les désastreuses conséquences de cette perte, que je fusse, moi aussi, conduite à laisser mourir de faim une enfant ?